Eux, là.
Eux, là, ont la bouche qui déborde
De promesses sans fin, de toujours
Et de ces jamais monocordes
Semant leurs je t'aime tous les jours,
Répandant, magnanimes, leurs heurs,
Inquiets de leur seul bonheur.
Il y a aussi eux, qui pleurent,
Qui geignent, les yeux toujours humides
En pensant à tous ces bonheurs
Refusés à eux, les timides,
Qui, trop soucieux de larmoyer,
Se bâtissent un enfer larvé.
Ou encore eux, doux rêveurs et
Grands naïfs qui écrasent le monde
De leurs chauds espoirs atrophiés,
Songeant aux passions vagabondes,
Languissant de princes et princesses
Qui, nébuleux, s'échappent sans cesse.
Et eux qui se plaisent tant aux messes
Certains que leur dieu leur suffit,
L'âme encore et toujours en liesse
Tant qu'aucun sombre soupçon impie
Ne tire l'esprit zélé en paix
De sa béate tranquillité.
Pis, craignant un remords mité,
Eux, qui, la conscience tiraillée,
Juste pour pouvoir être écoutés,
Écoutent les tourments éployés
Des plus affligés, des fanés,
Qui râlent, importuns, sans arrêt.
Puis eux, les beaux, fiers, les bien nés
Les grands prêtes de leur fier ego,
Qui consentent voir se prosterner,
Las, les perdants congénitaux,
Devant eux, rois de l'inutile,
Empereurs des victoires faciles.
Et enfin eux, seuls parmi milles,
Préférant sacrifier leurs rêves
Sur leur précieux autel, fragile,
De l'amitié, qui laisse aux lèvres
Un parfum langoureux, et qui
Rêvassent de tendresse affranchie.
Ceux-là qui offrent leur cœur gentil
A chaque sourire, doux ou charmeur,
A chaque regard, bref ou exquis,
Et qui sentent chaque larme comme la leur.
Plein d'empathie, sentimentaux,
Les ingénus ou les nigauds.